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Lætitia Dosch : La parole est à la défense

Lætitia Dosch : La parole est à la défense

Le 02/09/2024

Celle qu’on connaissait surtout comme actrice sort son premier long-métrage, Le Procès du chien. Cette comédie aux accents écoféministes met un coup de projecteur sur le malaise de la condition animale. Des deux côtés de la caméra – elle incarne aussi l’héroïne –, Laetitia Dosch interroge sur ce que sont les causes perdues et sur les raisons de se battre pour elles.

©BANDE À PART FILMS, LE PROCÈS DU CHIEN, DOROTHÉE THEBERT-FILLIGER, 2023.

Celle qu’on connaissait surtout comme actrice sort son premier long-métrage, Le Procès du chien. Cette comédie aux accents écoféministes met un coup de projecteur sur le malaise de la condition animale. Des deux côtés de la caméra – elle incarne aussi l’héroïne –, Laetitia Dosch interroge sur ce que sont les causes perdues et sur les raisons de se battre pour elles. 

Propos recueillis par Gaïa Mugler-Thouvenin

Que raconte Le Procès du chien ?

L’avocate Avril Luciani est spécialiste des causes perdues. Un jour, elle reçoit Dariuch, un maître un peu branquignol, malvoyant, et son chien, Cosmos. Cosmos a mordu trois fois, dont une femme, au visage. Cette dernière porte plainte contre le maître, ne pouvant porter plainte contre le chien, qui est assimilé, dans le droit, à une chose. Mais au procès, Avril parvient à convaincre le juge que Cosmos n’est pas une chose : il sera donc jugé comme un individu potentiellement responsable de ses actes. Le procès bouleverse la ville et la vie d’Avril…

BIO EXPRESS

  • • Née en 1980, Laetitia Dosch est comédienne, réalisatrice, metteuse en scène, diplômée des cours Florent et de La Manufacture. Elle vit entre Paris et Lausanne (Suisse).
  • • Elle joue notamment dans La Bataille de Solférino (2012), de Justine Triet, est l’héroïne de Jeune Femme, de Léonor Serraille, Caméra d’or 2017, et est nommée aux César à cette occasion.
  • • De sa filmographie fournie, on retiendra qu’elle est nommée meilleure jeune espoir 2018 aux César et cumule deux prix d’interprétation.
  • • La cause animale s’incarne dans sa vie professionnelle avec Hate (2018), pièce qu’elle crée et joue en binôme avec un cheval.
  • • En 2021, elle conçoit l’émission Radio Arbres (France Culture), une libre-antenne où les végétaux racontent leurs soucis.
  • • En avril 2024, Le Procès du chien rejoint la sélection Un certain regard au Festival de Cannes.

C’est un film écoféministe ?

 Oui ! Avril se reconnaît dans le chien. Comme le chien et les autres espèces vivantes qui ont été transformées et exploitées pendant des milliers d’années, les femmes ont été dominées et asservies longtemps. Mais c’est aussi un film sur les marginaux : les gens pas communs sont beaux, et surprenants, et dans cette surprise, ils font rigoler autant qu’ils touchent. Ce film, c’est un chant d’amour à tous les irrécupérables de la société, à ceux qui ne sont pas acceptés, pas acceptables. Cosmos ne l’est que tant qu’il est « mimi ». Il cesse de l’être dès qu’il a un comportement de loup, de chien avec ses règles de chien. D’ailleurs, ce qui est fou légalement, c’est qu’il ne peut être tué que parce que son maître est handicapé !

Pourquoi avoir choisi la comédie ?

La comédie oblige à être très simple dans sa façon de s’exprimer, parce que c’est pour tout le monde, c’est convivial, et ça permet de toucher toutes sortes d’individus. Je voulais aussi qu’on s’amuse, parce que la vie est lourde et difficile pour tant de gens ! Alors je voulais qu’ils passent un bon moment grâce au film, tout en travaillant sur le statut de l’animal, l’exploitation des individus et d’autres êtres vivants que nous. 

Ce n’est pourtant pas qu’une comédie, le tragique, le poétique, la tendresse s’y rencontrent dans un bel équilibre. Pourquoi un tel mélange de genres ?

Ma vie, ma journée peuvent commencer comme une comédie et finir en thriller ou tout à fait autrement. Le ton de la vie est très variable et plein de surprises, en fait ! Le film ressemble à ma vie.  

©BANDE À PART FILMS, ATELIER DE PRODUCTION, RTS RADIO TÉLÉVISION SUISSE, SRG SSR, FRANCE 2 CINÉMA, 2024.

Le chien Kodi est-il un bon acteur ?

Excellent, même si sa dresseuse, Juliette, dit que le cinéma doit rester un hobby pour lui. On a très bien traité Kodi sur le plateau, ce qui n’est pas facile avec des centaines de personnes en mouvement, beaucoup d’argent en jeu, de pression… Il vient de la rue et a été récupéré en refuge à 2 ans. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’émotions différentes et qui peut aller du chien très mignon jusqu’à la violence ; il a une vraie mélancolie en lui. Enfin, c’est un chien ultra-émouvant.

Quelqu’un ?

Ce n’est pas un lapsus. Son nom est au générique, sur l’affiche. C’est un sacré acteur ! Il comprend le mot « coupé ». Bien sûr, il y a eu des os, aussi. Par exemple, deux semaines avant le tournage, il n’arrivait toujours pas à hurler comme un loup, alors que c’était central !

Êtes-vous éco-anxieuse ou éco-joyeuse ?

Peut-on être l’un sans l’autre ? Je suis concernée par notre responsabilité dans notre consommation, et j’ai envie de jouer un rôle à ce sujet en tant qu’actrice culturelle.

L’INTERVIEW DE… KODI LE CHIEN

Dans quelle forêt aimeriez-vous courir ?

Celle près de Gimel, en Suisse, pour entendre les loups. 

Quel(le) maitre(sse) célèbre rêveriez-vous d’avoir ? 

Je ne voudrais pas changer mon humaine, Juliette, connue pour avoir gagné La France a un incroyable talent*.  

Vos prochains films ?

J’aimerais avoir des rôles plus complexes. On enferme toujours les chiens dans leur rôle de chien. Détective, médecin, j’aimerais plus de diversité. 

Qui souhaiteriez-vous mordre ? 

Quelqu’un de cuit. 

Si vous n’étiez plus acteur, vous seriez chien guide, de berger ou… ?  

Un loup ! 

Et si vous étiez un autre animal ?

Une taupe, pour voir les galeries au fond des terriers que je tente de creuser.

* Une émission de télévision

Quelles sont les urgences ?

Arriver à faire évoluer notre pensée sur notre façon d’exploiter, de dominer l’autre, en général. Que l’on parle des femmes, des minorités, de l’agriculture…

Est-ce que ça vaut le coup de se battre pour une cause perdue ?

Elle sera toujours moins perdue si on se bat pour elle que si on ne s’en occupe pas. Ça donne du sens à la vie. Et puis les causes perdues ne le sont pas toujours autant qu’elles peuvent le paraître : pensez au Front populaire de 1936 et ses congés payés, qui semblaient être une cause perdue initialement. Enfin, j’aime les gens qui se battent pour ce en quoi ils croient.

Mais c’est dur de se battre, non ?

Oui, comme Avril, on peut se sentir submergé, dépassé et se retrouver en burn-out militant. Il y a une question de bonheur et d’équilibre à se poser. Il faut contrebalancer cette dureté avec l’amour, la fête… Ce qui m’aide, c’est de penser aux plantes qui poussent dans l’adversité.

Quelle place tient l’écologie dans votre vie ?

Je ne prends pas l’avion, je me nourris chez Biocoop. Je ne suis pas végétarienne, mais je limite ma consommation de viande, car j’ai conscience de la maltraitance animale. C’est d’ailleurs un point où je suis encore en dissonance cognitive. D’autant que j’ai un lien très fort avec les animaux et les végétaux. Donc mon rapport à l’écologie est en mouvement.

©BANDE À PART FILMS, ATELIER DE PRODUCTION, RTS RADIO TÉLÉVISION SUISSE, SRG SSR, FRANCE 2 CINÉMA, 2024.

Notre société a-t-elle un problème dans son rapport aux animaux ?

Oui. Les animaux sont assimilés à des biens : quand tu les tues, tu ne les tues pas, tu les détruis. C'est pratique, on peut ainsi tuer tous les animaux qu'on veut pour se nourrir. La question du statut animal commence à changer, entre animaux sauvages et d'élevages... C'est troublant et on voit que ce statut n'est pas clair, quelque chose est ambigu jusque dans la loi. Ça peut et doit donc changer.

A-t-il fallu beaucoup se documenter pour le film ?

Je suis nourrie de ces sujets depuis des années. Des collectifs féministes suisses, des groupes de l’association L214 jouent dans le film. Dans plusieurs scènes, il y a des militants, des gens de la société civile et non des acteurs. Une juriste nous a beaucoup aidés aussi.

Depuis quand vous intéressez-vous au droit des animaux et à l’écologie ?

Depuis 2016, je cherche de nouvelles façons de considérer l’autre dans mon travail et d’aborder ces sujets, pour ne plus être dans le déni. J’ai commencé avec Hate, un duo avec un cheval, qui traite du parallèle entre le statut animal et le féminisme. J’ai aussi créé une libre antenne pour les végétaux, Radio Arbres. J’ai une culture écoféministe. En tout cas, c’est par la condition des femmes que je suis rentrée dans la condition des animaux et plus largement dans l’écologie. J’essaie de trouver comment la culture peut faire avancer les pensées sur ces thèmes.

Pourquoi avoir tourné en Suisse ?

C’est un territoire peu filmé, avec beaucoup de personnages assez marginaux en milieu urbain. On m’y a donné beaucoup de liberté artistique Et puis, la Suisse est bien plus en avance que la France en matière de droit animal*[1]. Reconnus comme êtres sensibles, ils sont plus proches juridiquement de l’enfant que de l’objet. Démocratiquement, aussi, tous les partis gouvernent ensemble ; en cas de désaccord, un referendum populaire est organisé. Il faut lire à ce sujet Dominique Bourg, qui apparaît d’ailleurs dans le film !

©BANDE À PART FILMS, ATELIER DE PRODUCTION, 2024.

Il y a une scène où tout s’emballe pour l’avocate, qui peut en paraître hystérique. Ça ne risquait pas de décrédibiliser les enjeux ?

Je pense que c’est un film sur la violence, y compris urbaine, celle qui peut surgir à n’importe quel moment. Par ailleurs, un personnage n’a pas à être exemplaire, surtout quand le monde lui-même devient irrationnel. Comme le dit Avril, « tout se mélangeait, tout était mélangé ». Mon travail n’est pas d’être dans la morale, mais de parler de vraies questions. Un film a le droit d’être douteux, déstabilisant, pas correct, troublant. J’essaie de créer des réactions chez le spectateur pour le faire réfléchir tout en lui faisant passer un bon moment.

Entre militants de la cause animale et militantes féministes, comment avez-vous trouvé l’équilibre pour que personne ne soit ridiculisé tout en gardant des scènes assez drôles ?

C’était un vrai enjeu, et j’ai dû montrer patte blanche aux personnes concernées, prouver que je ne me moquais pas d’eux dans le film, parce que ce n’était pas l’intention. Au contraire, il y a un message féministe et un message animaliste dans le film, même si ça m’amusait par moment de les montrer en conflit. C’est comme dans la vie : tout le monde est un peu ridicule et touchant, aimable et détestable à la fois, comme le personnage du dresseur dans le film. Sur les scènes de foule avec L214 et les féministes, on pouvait jouer aussi sur la peur que créent des moments de violence, et en même temps, sur les codes esthétiques choisis par la décoratrice, qui renversaient à nouveau vers l’humour ou la beauté. Tout cela créait de l’équilibre.


Où et quand voir Le procès du chien ?

Dès le 11 septembre dans 300 salles françaises. Puis sur Canal+, France 2 et sur la RTS. 

* La Suisse est l’un des rares pays à avoir inscrit des principes de respect et de protection de l’animal dans sa Constitution.

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